Les microalgues, ces minuscules organismes photosynthétiques, jouent un rôle essentiel dans la régulation du climat en absorbant près de la moitié du dioxyde de carbone (CO₂) atmosphérique entrant annuellement dans les écosystèmes. Par le biais de la photosynthèse, elles fixent le CO₂ et le transforment en biomasse, en utilisant la lumière comme source d’énergie. Cependant, à l’échelle des temps géologiques, lorsque le CO₂ s’est fait plus rare, des mécanismes de concentration en CO2 sont apparus chez ces organismes afin de limiter la photorespiration. Pourtant, les mécanismes précis permettant cette adaptation restaient jusqu’ici mal compris.
Publiée dans la revue Nature Communications, une étude remet en question les liens entre ces deux phénomènes. Jusqu’ici, on supposait que les microalgues concentraient le CO₂ pour optimiser la photosynthèse, tout en « désactivant » la photorespiration. Or, une équipe de recherche du CEA, en collaboration avec l’Institut Max-Planck de Potsdam, en Allemagne, et quatre autres laboratoires, a montré que ces deux mécanismes, supposés antagonistes, coopèrent et permettent aux microalgues de survivre quand le CO2 vient à manquer, ou à se raréfier.
Une protéine au cœur du processus
Les chercheurs ont identifié une protéine (LCI20) comme un élément central dans cette régulation. Présente dans l’enveloppe du chloroplaste (organite cellulaire jouant un rôle fondamental dans la photosynthèse), cette protéine facilite l’équilibre entre les deux voies métaboliques et permet aux algues d’évacuer les sous-produits toxiques issus de la photorespiration. Privées de cette protéine, les microalgues sont incapables de s’adapter lors d’une transition brutale vers un environnement à très faible teneur en CO₂. Les chercheurs ont noté une accumulation toxique de métabolites, ce qui freine la croissance, et souligne ainsi l’importance de LCI20 dans l'équilibre métabolique global.
Ce dialogue entre photosynthèse et photorespiration démontre la capacité des microalgues à s’adapter finement à leur environnement. C’est une stratégie d’acclimatation bien plus complexe que ce que nous imaginions
expliquent Yonghua Li-Beisson et Gilles Peltier, coauteurs de la découverte.
Des implications pour le climat et la bioéconomie
Cette recherche rebat les cartes de notre compréhension du cycle du carbone dans les océans. Au-delà des implications environnementales, ces résultats pourraient bénéficier les domaines suivants :
- la bioéconomie, en tenant compte de l’équilibre entre CO₂ et O₂ dans les bioréacteurs pour améliorer les rendements de production de biomasse ou de composés d’intérêt (biocarburants, protéines, molécules pharmaceutiques) ;
- la modélisation du climat, en intégrant mieux la contribution des microalgues au cycle global du carbone ;
La prochaine étape ? Explorer cette cohabitation métabolique chez d’autres espèces de microalgues marines d’intérêt écologique ou industriel, afin de mieux comprendre comment elles réagissent aux fluctuations environnementales – un enjeu majeur à l’heure du changement climatique.